National style 0 de 1930 (VIDEOS AJOUTEES Page2)

Voila, pendant que certains passaient du bon temps à essayer des grattes de folie , je triais des photos : je vais vous présenter la « restauration » (c’est un bien grand mot !) d’un National style de 1930 variation 2.

L’histoire : j’ai pu avoir cette guitare vendue aux USA comme un « restauration project ».
Le plus dur dans l’affaire a été de récupérer la guitare qui était lamentablement bloquée par Chronopost et leur incompétence et malhonnêteté abyssale. Je remercie encore Michel pour son soutien dans l’affaire et ses bons tuyaux pour essayer de débloquer la situation!
Je remercie aussi Coriolan pour sa patience face à mes questions de débutant « débutant » et pour la touche finale avec la popote du chef !

Ma philosophie sur ce projet n’était pas de faire une « relic’ » mais de redonner à cet instrument son éclat d’origine en essayant pour chaque étape de me rapprocher au plus prêt de la fabrication d’origine.

Alors : l’état des lieux :

Déballage du colis, je découvre le flycase d’origine dans un état on va dire « avec du vécu » (en clair j’avais peur de ramener la gale dans la maison). La guitare était telle qu’attendue : la caisse en laiton+ nickel est entièrement « piquée » les dessins sont à peine visibles, le manche et la touche (en érable les 2) sont recouverts d’un épais vernis rouge (avec coulures sur la tête), les filets sont absents (défaut fréquent sur les National des années 30, dans le bouquin de Brozman on voit une photo de Son House qui joue un Style 0 de 1931 avec les filets en extrémité de la touche qui sont décollés …), les mécaniques ne sont pas d’origine, elles sont rouillées et sont très dures (en revanche ce sont bien des mécaniques « inversées »). L’intérieur du résonateur est dans un état de saleté impressionnant : un dépôt noirâtre recouvre le fond… ?...
Les bonnes surprises : le cône et le biscuit sont d’origine avec un très léger affaissement rattrapable, le manche est plutôt droit (ce qui est rare pour les manches avec touches en érable de l’époque), avec une action « classique » de résonateur (2,5mm à la 5eme, 3 à la 7eme et 4mm à la 12eme). Coriolan avait trouvé le jeu aux doigts difficile, mais plus qu’un problème de réglage c’est la conjonction d’un tirant fort, des cordes aciers sur une touche plate qui perturbe un peu au début, ce n’est pas dans nos gènes de guitaristes « boisés » ! Les frettes d’origine sont en très bon état comme le corps.

The beast:

[b]

1ere étape : - Nettoyage de la caisse avec de la laine d’acier n°00000 sur les parties récalcitrantes à l'eau savonneuse. Autre option recommandée pour les décapages étendus:"l'Alfachrome" (pâte pour les chromes des motos) et du "Ouator" objets précieux.
Effet immédiat, la caisse retrouve son éclat et révèle ses fameux palmiers (variation 2 sur les 8 existantes) qui coïncide avec le numéro de série pour situer la fabrication au milieu de l’année 1930.


2eme étape: décapage de l’affreux vernis au papier de verre 180-240-320 + décapant + acétone pour essayer de purger le vernis du bois (pas de photo) et passage au papier de verre 400 et 600.
Etape longue, on a le sentiment de ne jamais voir la fin !
Voici quelques photos du travail en cours :


3ème étape : « Ebènisation » de la touche. Cette partie de la rénovation m’a pris beaucoup de temps de recherche. Déjà essayer de comprendre pourquoi les touches des National Style 0 du début des années 30 ont le plus souvent cette décoloration de la touche :

J’ai appris que National utilisait soit des touches en érable non teinté, soit du « dye mapple » c’est-à-dire de l’érable teinté à l’aide d’un colorant noir pour donner l’impression d’une touche en ébène. (j’ai eu de la chance National car faisait un 3eme style de touche, visiblement une espèce de mille-feuilles compressé de cartons…. Inutile de dire que ces touches n’ont pas résisté au temps).
Ensuite il a fallu trouver le colorant adéquat (en 1930, c’est Rickenbacker qui fournissait National). Stewmac propose le produit idéal, mais…………. Non exportable par avion !
Après des semaines de recherche, j’ai finalement trouvé une boutique de costumes et décoration pour cinéma en Allemagne qui en proposait !

Donc application méticuleuse au pinceau fin :




Tout de suite ça redonne de l’élégance !

Ensuite bouchage des trous de vis supplémentaires liés au précédent changement de mécaniques : remplissage avec de fins cylindres de bois enduits de Titebond et arasage au cutter.



Puis pose des filets de touche, commandés chez Stewart Mac Donald, je remercie au passage Lenny Gerthoffer de Vintage National à Santa Barbara qui m’a conforté dans le choix de la couleur « crème », m’affirmant qu’il n’avait jamais vu de Style 0 de 1930 originaux avec des filets « blancs ».
Collage à la Uhu Hart et thermoformage au sèche-cheveux




Mise en place des cales et des serre-joints avant un séchage de 48h pour pouvoir attaquer la mise à niveau des filets en hauteur et en épaisseur (pas facile avec les frettes en place !)

Maintenant vient l’étape du vernissage. Là, pareil, il y a fallu se documenter : quel type de vernis était utilisé par National en 1930 sachant qu’il est difficile de trouver un réso de cette époque avec un manche encore entièrement vernis, ce qui suggère un vernis très fragile.
Au fil de mes recherches j’ai pu me rendre compte qu’une bonne partie des manches de Style 0 des années 1930 ont déjà été refaits (avec plus ou moins de goût et de succès d’ailleurs !).
S’agissait-il d’un vernis nitrocellulosique teinté ? D’un vernis au tampon ? D’un bois précoloré avant l’application d’un vernis incolore ?
Mike Lewis m’a gentiment répondu que les vernis de l’époque étaient très fins et très fragiles, ce qui m’a définitivement orienté vers un vernis nitro cellulosique teinté. J’ai lu très récemment dans le livre de Bob que la compagnie National avait entamé dès 1930 une politique d’optimisation de son processus en limitant le nombre de vis (façonnées à la main) sur la coverplate (c’est pour ça qu’il y a 2 types de fixation de la coverplate : soit 8 véritables vis comme sur le mien, soit 1 vis et 7 autres à « décliper ») et en diminuant le nombre de couche de vernis à appliquer sur le manche ! (d’où la fragilité du vernis…)

Une fois qu’on a dit ça c’est bien, mais comment on fait quand on débute et qu’on n’a pas de matériel de vernissage à disposition ????? Et bien on cherche des bombes de vernis nitro colorée ! Pas facile, peu de choix, relativement onéreux, mais bon pas le choix ! J’ai donc tagué mon manche !

Pour commencer passage d’une sous-couche de « Fondur » (à la mèche de coton) afin de remplir les pores du bois mis à nu. Séchage 48h et ponçage

Puis voilà l’attirail des bombes de nitrocellulosique satiné :
Pour le Sunburst façon National (dégradé d’une couleur) : une bombe de tobacco brown, une bombe de light tinted pour les zones claires pour donner un aspect vieilli.
Pour la finition une bombe de vernis satiné incolore de chez Leking Merlin
2 à 3 couches par jour avec 2 heures de séchage entre chaque et ponçage au papier de verre 600-800 tous les jours



- Premières couches de vernis nitrocellulosique en bombe « light tinted » pour donner un aspect « vieilli »



Ajustement de la couleur en fonction des couleurs des National style 0 de l’année 1930 constatées (c’est très varié !) :




Cette étape est vraiment délicate, il faut être très patient et éviter les coulures. En voulant poncer trop rapidement une coulure alors que la teinte était quasiment finie j’ai arraché 1 cm2 de vernis jusqu’au bois…. Je n’avais pas respecté le temps de séchage, et chaque nouvelle couche de vernis va redissoudre légèrement les couches précédentes pourtant bien sèches. J’en aurai versé une larmichette ! Heureusement j’ai pu rattraper le coup sans que ce soit visible au final : OUF !

Ensuite quand le vernis « teinté » est bien sec (1 semaine) application de 2 couches d’incolore et on laisse sécher 15 jours.

Après 15 jours de séchage, finition finale à l’aide de papier de verre 100-1200 puis 2000 à l’eau avec une goutte de liquide vaisselle :


Changement des anciennes mécaniques (déjà changées probablement dans les années 70-80) de mauvaise facture et peu fonctionnelles par les rééditions des mécaniques originales (National Resophonic) :


Vos yeux aguerris ont tout de suite remarqué que ce sont des mécaniques « inversées », avec la vis sans fin sous et non pas au dessus de la vis cruciforme

Photo de la tête au final après changement des mécaniques et pose d’une nouvelle décal de tête (waterslide) (plus vernissage à l’aide d’un vernis à l’eau pour ne pas dissoudre les couleurs)




En ce qui concerne l’intérieur de la bête :
nettoyage de l’intérieur : une couche noire de poussière, « sédiments » recouvre le l’intérieur. Nettoyage à l’eau.
« Cône » et « biscuit » originaux, cône légèrement « affaissé » mais que je garde pour le moment (je ferai des essais comparatifs avec le nouveau cône)

Pour finir : avant/après :

Sympa ce projet!
Félicitations!

Beaucoup de travail ! Félicitations , cela en valait la peine..........
Franck

Superbe ! Super reportage également !

Benja

Joli, félicitations!
Nano

Et pour avoir vu le produit fini, je peux vous assurer que la finition du manche frôle la perfection! L'ami stringman y a mis beaucoup d'huile de coude, et ça se voit!

L'action est haute, certes, mais ce n'est pas injouable popur ceux qui ont l'habitudes des 13-56. Et puis un très très gros son!

Nul doute que l'ami stringman va nous poster une vidéo de la bête ...

Merci pour vos commentaires sympas
Cette première pour moi a été un véritable régal, ça donne envie de continuer
Coriolan: merci pour le compliment, et oui évidemment, quand j'aurai reçu avec le Père Noël un enregistreur digne de ce nom je complèterai le topic

splendide! vivement du son!

Belle restauration et reportage sympa ! même si je ne joue pas du "dobro" j'ai vraiment suivi avec intérêt

Comment ai je fait pour louper ce Topic que je découvre à l'instant !?


Alors là, bravo Stringman ! Toutes mes félicitations ! Excellent travail !


Si je peux t'aider dans tes recherches :

Une cone et son biscuit

tres belle restauration , en effet c'est vraiment réussi

ah oui j'oubliais, elle est superbe ta copine Michel

MICHEL WALIGORA a écrit:Comment ai je fait pour louper ce Topic que je découvre à l'instant !?


Alors là, bravo Stringman ! Toutes mes félicitations ! Excellent travail !


Si je peux t'aider dans tes recherches :

Une cone et son biscuit

Merci à tous pour vos commentaires. Effectivement Michel, il était temps, je commençais à croire que tu pensais que j'avais saguounié le manche et que tu n'osais pas le dire
Ta cone, elle est trop chère pour moi!

Beau travail, bravo....

Pour ton nouveau cône, tu as opté pour le 'hot rod' de chez NRP?
Chapeau pour cette restauration!
Laurent.

Superbe reportage, cela respire la passion à plein nez.

Redonner vie à cet instrument, en respectant le plus possible son origine historique, du grand art.

Encore bravo

Oui j'ai commandé le NRP, mais j'hésite.... je me dis que je vais peut-être attendre et l'amener chez Mike Lewis, parait-il que ses cônes sont encore plus proches des originaux, mais il les réserve à ses propres instruments ou aux National vintage qu'il a en charge

Tout simplement ADMIRABLE !

Moi qui , lorsque je change une ampoule électrique du plafonnier , me fait un trou dans le pied , j'admire ta capacité à la restauration !

C'est une vraie oeuvre d'ART . Sans doute supérieure à l'état originel de l'instrument .

Ma compagne , qui est pleine de compassion pour mon intérêt guitaristique , me fait remarquer :
< Tu as vu le Monsieur , sur la photo , il a une belle table en teck ! Il n'est pas comme toi , lui ! >

En effet , pour des raisons "écologiques" , cu-cul-la-praline , nous n'avons qu'une table en plastique dans le jardin . Et , c'est vrai qu'à bien observer , le bois du teck de ta table est du plus bel effet .

Cette table est-elle neuve ? ou , au contraire a-t-elle déjà quelques années ?

Est-ce vrai qu'il faut entretenir le bois de teck avec un produit huileux spécial ?

Faut-il ranger la table dans le garage ou la cave en hiver ?

Merci de tes éventuelles réponses .

Pour en revenir au Dobro , pourquoi avoir préféré mettre ces ignobles mécaniques en plastoque blanc , d'origines , plutôt que les somptueuses mécaniques en acier , de la photo de gauche ?

Amitiés guitaristiques ...

Merci pour les commentaires
Mon établi (la table) n'est pas en teck mais en Eucalyptus Il faut en effet la huiler pour l'entretenir et oui je l'ai effectivement mis à l'abri pour l'hiver (mais elle se plie)

Pour les mécaniques, celles en acier sont déformées au niveau des axes et inutilisables et les mécaniques d'origine sont à bouton plastique. Comme je voulais une "re-création" à l'identique de l'original, j'ai mis du plastique (et ça tombe bien je les trouve personnellement plus harmonieuses avec le sillet en os et les filets plastiques). Heureusement que les originales n'étaient pas en ivoire

stringman a écrit: Merci pour les commentaires
Mon établi (la table) n'est pas en teck mais en Eucalyptus Il faut en effet la huiler pour l'entretenir et oui je l'ai effectivement mis à l'abri pour l'hiver (mais elle se plie)

Pour les mécaniques, celles en acier sont déformées au niveau des axes et inutilisables et les mécaniques d'origine sont à bouton plastique. Comme je voulais une "re-création" à l'identique de l'original, j'ai mis du plastique (et ça tombe bien je les trouve personnellement plus harmonieuses avec le sillet en os et les filets plastiques). Heureusement que les originales n'étaient pas en ivoire

Ma compagne te remercie pour les conseils à propos de la table .

Et moi , je te remercie pour l'information à propos des mécaniques .

C'est vrai que les goûts de chacun sont un droit universel .

Amitiés guitaristiques ...

Et félicitations !

L'huile de citron, c'est pour la touche, mais pour la table aussi???
Sourire.

Voici 3 vidéos de la bête:
C'est très sombre désolé!

Simplement jouée en picking:


En open de G


En open de D

Pour l'avoir entendu en direct live, je peux vous dire que ces vidéos ne rendent absolument pas la puissance et la subtilité (si!) de cet instrument. Une très très belle restauration!